Contexte et justification :
L’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Union européenne (UE) s’engagent dans une nouvelle initiative mondiale pluriannuelle visant à éliminer toutes les formes de violences à l’égard des femmes et des filles, dénommée ‘’Spotlight’’. La dénomination « Spotlight » a été retenue pour attirer l’attention sur l’impératif de lutter et de d’éliminer ces violences, qu’il faut placer sous les projecteurs et au cœur des efforts menés pour atteindre l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, en accord avec les Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030. Le Niger fait partie des huit (8) premiers pays africains éligibles à cette initiative qui est mise en œuvre à travers un programme conjoint UNFPA-PNUD-UNICEF et ONUFEMMES sous le leadership de la Coordinatrice du Système des Nations Unies au Niger. Le programme s’articule autour de six piliers dont le pilier 1 relatif au cadre législatif. La présente étude rentre dans le cadre des activités retenues dans ce premier pilier.
Le Niger a ratifié de nombreux textes internationaux et régionaux favorables aux droits des femmes et des enfants et à leur protection contre les violences et les pratiques traditionnelles néfastes telles que le mariage des enfants, les mutilations génitales féminines… Le pays a également fait d’énormes efforts en adoptant des textes qui répriment les auteurs des actes de violences à l’égard de tous les citoyens y compris les filles et les femmes. Ces dispositions sont contenues dans le code pénal. Cependant, certaines évaluations ont fait ressortir que dans la pratique des nombreuses victimes n’ont pas connaissance des textes et des procédures pour y accéder, mais aussi quelque fois leur application reste souvent arbitraire selon les cas et les sujets en présence. Certaines actes même très graves (cas de viols sur mineurs de moins de 15 ans), selon les auteurs, n’arrivent malheureusement pas, dans la plupart des situations, au niveau de la justice à cause du poids des traditions qui favorisent la culture du silence au détriment de l’avenir de la fille ou de la femme. En outre certains actes qui constituent des violences basées sur le genre ne sont réprimés par aucun texte, c’est le cas du déni de droit aux femmes et aux filles par le fait qu’elles soient de sexe féminin (cas de l’héritage, cas de non-inscription à l’école ou forcé la fille à quitter l’école…).
Relativement à l’intégration des dispositions des conventions internationales et régionales, surtout en matière des droits de famille, il existe de nombreuses discordances entre ces textes et la législation nationale qui, jusque -là, n’a pas été harmonisée par une réforme légale.
Par exemple, le Code Civil nigérien fixe l’âge légal du mariage à 15 ans pour les filles et à 18 ans pour les garçons, ce qui va à l’encontre du principe de non-discrimination de la Convention internationale relative aux Droits de l’Enfant (CDE). En outre, même si le code civil autorise le mariage des filles à 15 ans, il précise qu’il n’y a pas de mariage sans consentement or il y a encore des coutumes qui autorisent le mariage avant les 18 ans sans le consentement des époux.
A cela, il faut ajouter la coexistence de plusieurs sources de droits, avec la prédominance effective des coutumes, souvent islamisées, sur le droit moderne. Pour ce qui est du droit de la famille et du statut personnel en particulier, les personnes concernées ont le choix entre l’application de leur coutume ou celle de la loi. Or, si la loi ou droit écrit donne en général les mêmes droits aux hommes et aux femmes, la coutume d’essence patriarcale, est inégalitaire dans ses indications essentielles. Les questions de genre et de pratiques néfastes telles que le mariage des enfants restent un tabou très fort comme le démontre le débat national de 2011 sur le nouveau projet de Code de la famille visant à promouvoir plus d’égalité de genre dans le pays.
Voici à la suite la liste des composantes essentielles de ce cadre politique et juridique :
Les instruments internationaux :
- La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) et ses Pactes ;
- La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF, 1979) : Elle oblige les Etats à prendre des dispositions pour éliminer ces discriminations en vue d’offrir notamment des chances égales aux hommes et aux femmes. Le Niger a formulé d’importantes réserves lors de son adhésion à la CEDEF, mais depuis plus de 20 ans, aucune des réserves n’a été levée malgré les recommandations des comités CDE et CEDEF et celles de l’EPU ;
- La Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CDE) : C’est le principal texte international consacré aux droits de l’enfant dans toutes les dimensions de la vie sociale, économique, politique et culturelle et donnant une définition universelle de l’enfant : tout être humain âgé de moins de 18 ans. Le Niger a ratifié la CDE en 1990 qui, en principe, a une valeur supérieure à la loi nationale. En ratifiant la CDE, le Niger s’est ainsi engagé à défendre et garantir les droits de l’enfant. Mais il doit harmoniser l’âge de l’enfance, notamment concernant le mariage de la jeune fille fixé à 15 ans contre 18 ans pour le garçon ;
- La Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages de 1964 : Cette convention demande aux Etats partie de fixer un âge minimum pour le mariage et de faire du consentement une condition préalable, or le consentement d’un enfant n’est-il pas biaisé ?
- Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants : Ce protocole vise à protéger les enfants de l’exploitation sexuelle et de vente, comme cela pourrait être le cas dans certains mariages d’enfant.
Les instruments régionaux :
- La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (1981) ;
- La Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant (1990). Il s’agit d’une convention prise pour tenir compte des spécificités africaines. Elle définit l’âge de l’enfance à 18 ans et protège les enfants contre la traite, les mariages précoces et l’exploitation. L’article 21 vise la protection de l’enfant contre les pratiques négatives sociales et culturelles et engagent les Etats à agir : « Les mariages d’enfants et la promesse de jeunes filles et garçons en mariage sont interdits et des mesures effectives, y compris des lois, sont prises pour spécifier que l’âge minimal requis pour le mariage est de 18 ans et pour rendre obligatoire l’enregistrement de tous les mariages dans un registre officiel ».
Les initiatives internationales :
- La Déclaration pour « Un monde digne des enfants » de 2002 ;
- La Campagne de l’Union Africaine (UA) contre le mariage des enfants : L’Union Africaine a lancé une campagne en 2014 visant à mettre fin au mariage des enfants et une rapporteuse spéciale a été nommée. Le Niger a lancé cette campagne en 2016 sous le parrainage du Premier Ministre ;
- Les Objectifs de Développement Durable (ODD) ;
- En Août 2015, les 193 Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies sont parvenus à un consensus sur le document final du nouveau programme, intitule “Transformer notre monde : Le programme de développement durable à l’horizon 2030”. Très ambitieux programme, son axe 5 est consacré à l’égalité des sexes visant à autonomiser les femmes et les filles et à favoriser leur participation.
Au niveau national :
- La Constitution du 25 Novembre 2010. En tant que loi suprême du pays, la Constitution du Niger :
– Réaffirme l’attachement du Niger aux conventions internationales relatifs aux droits humains ;
– Proclame l’égalité entre les citoyens (pas de discrimination) et la majorité à 18 ans révolus ;
– Proclame que le mariage et la famille constituent la base naturelle et morale de la communauté humaine, ils sont placés sous la protection de l’État et des collectivités publiques.
- Dit que l’Etat veille à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme, de la jeune fille et des personnes handicapées ;
- La loi organique n° 2004-50 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger, modifiée et complétée par l’ordonnance n°2011-11 du 27 janvier 2011 et la loi n°2013-29 du 12 juin 2013 ;
- Le Code civil : Il réglemente les questions relatives à l’état civil et fixe l’âge de mariage à 18 ans pour le garçon et 15 ans pour la jeune fille. Il fait du consentement, le préalable pour le mariage. Mais eu égard aux instruments internationaux ratifiés par le Niger, ce code doit être révisé pour mettre fin à la discrimination fille/garçon en termes d’âge de mariage, la non-discrimination étant un principe ;
- Le code pénal : réprime certains nombres d’actes qui sont reconnus comme des violences telles que les Mutilations génitales féminines, le harcèlement sexuel, le viol ;
- Loi n°2006-16 du 21 juin 2006 sur la santé de la reproduction et son décret d’application de 2019 ;
- La politique nationale en matière de justice qui intègre la politique de protection judiciaire juvénile et la politique pénale, 2015 ;
- Le document-cadre de la protection de l’enfant (DCPE)-2013 : le DCPE reprend la définition de l’enfant donnée par la CDE (tout être humain âgé de moins de 18 ans). Bâtis sur la vision d’une société digne des enfants et qui crée les conditions pour leur épanouissement et le développement de leur potentiel ;
- Le plan de développement économique et social (PDES) 2017-2021 : l’Etat réaffirme que la lutte contre la violence faite aux enfants est une priorité nationale. L’axe 1 du PDES qui vise à la renaissance culturelle, prévoie un programme de mobilisation sociale pour un changement de comportements ayant, entre autres, comme objectifs prioritaires la scolarisation des filles et le recul du mariage des enfants ;
- La politique nationale genre, 2007 réactualisée en 2017 ;
- La politique nationale de la jeunesse, 1998 réactualisée en 2010 ;
- Le plan sectoriel de l’éducation et la formation 2014-2024 ;
- La stratégie de prévention et de réponse aux violences basées sur le genre, 2017-2021.
La présente étude fait partie des interventions retenues dans le programme Initiative spotlight. Elle est également inscrite dans le plan stratégique national du Gouvernement du Niger pour mettre fin au mariage des enfants et dans le Plan de travail 2019-2021 du programme de coopération Unicef-Gouvernement du Niger signé par le Ministère de la Justice et le Ministère de la Promotion de la Femme et de la Protection de l’Enfant.
Objectif de la consultation :
L’objectif de la consultation est de mettre à disposition un document contenant une analyse comparative et critique du cadre législatif national en lien avec les questions de violences faites aux femmes et aux filles (VFFF), des violences basées sur le genre (VBG), des droits à la santé sexuelle et reproductive (DSSR) et les pratiques néfastes (PN) telles que le mariage des enfants, des coutumes avec les dispositions des conventions et traités internationaux ratifiés par le Niger ainsi que l’application des textes existants en vue de construire un plaidoyer et d’orienter une réforme.
Activités spécifiques à réaliser :
Les principales activités se déclinent comme suit :
- Développer une méthodologie et un plan de travail qui sera soumis à la validation de du comité interministériel mis en place à cet effet ;
- Recenser les textes normatifs en lien avec les questions des VFFF/VBG/DSSR/PN, étudier leur pertinence et leur exhaustivité par rapport aux différentes formes des violences tenant compte des réalités socio-culturelles du pays et analyser leur degré d’application pour ressortir les contraintes qui entravent leur application effective, y compris le gap pour des acteurs de mise en œuvre, les filles et les femmes elles-mêmes et ceux qui en ont la charge ;
- Comparer et analyser les textes nationaux applicables, y compris les coutumes, en matière de VFFF, VBG, DSSR et PN telles que le mariage d’enfant avec les dispositions des conventions internationales et régionales ratifiées par le Niger pour identifier les points de convergence et de divergence ;
- Formuler des recommandations pertinentes pour, d’une part, améliorer le dispositif existant (avec des propositions de textes de loi) et, d’autre part, pour renforcer son application en tenant compte du contexte socio culturel du pays ;
- Elaborer un argumentaire basé sur les résultats, après consultation des parties prenantes, pour servir de support à un plaidoyer à tous les niveaux (communautaire, régional, national) pour l’harmonisation de la législation nationale ;
- Soumettre les rapports, à différents stades, à la validation du comité interministériel ;
- Produire un rapport provisoire, le soumettre aux ateliers régionaux de pré-validation, intégrer les amendements et animer un atelier national de validation ;
- Intégrer les amendements/enrichissements issus de l’atelier de validation et soumettre une version finale du document incluant les propositions de modification du cadre législatif national y compris le code civil.
Résultats/produits spécifiques attendus :
- Produit 1 : Dossier préliminaire : une note de cadrage de l’étude (description détaillée des objectifs de l’étude, l’organisation des activités et le chronogramme) incluant la méthodologie. Le tout sera soumis au comité pour validation ;
- Produit 2 : Rapport intermédiaire : Un rapport produit sur la base de la revue documentaire présentant les principaux gaps sur le cadre normatif y compris au niveau des acteurs en charge de sa mise en œuvre ainsi que les principaux défis en lien avec son application. Cette revue intermédiaire doit aider la conduite de l’étude qualitative ;
- Produit 3 : Rapport provisoire : Le rapport de la revue documentaire qui intègre l’analyse qualitative qui sera soumis à la pré-validation au niveau régional et validation nationale auprès des différentes parties prenantes incluant des propositions de modification du cadre législatif y compris le code civil ;
- Produit 4 : Rapport final : Le rapport provisoire qui intègre les commentaires et suggestions des différentes parties prenantes, incluant des propositions de modification du cadre légal y compris le code civil.
Critères d’évaluation technique (1) et financière (2) :
- Expérience spécifique professionnelle ; Compétences spécifiques ; Expertises spécifiques ; Connaissances spécifiques ; Autres (si applicable). L’offre technique sera notée sur 70 avec un seuil de passage de 50 ;
- L’offre financière sera notée sur 30, la plus basse obtient le maximum de la note financière. Les autres offres ayant passé le seuil technique requis recevront des notes inversement proportionnelles à l’offre la plus basse.
Les candidats doivent indiquer le montant des honoraires journaliers qu’ils souhaiteraient recevoir pour effectuer cette consultation, lesquels seront négociés en fonction de la complexité des tâches et de la qualification et expérience du candidat.
Qualifications :
- Avoir au moins un master (Bac +5) en sciences sociales ou équivalent ;
- Avoir une expérience professionnelle d’au moins 8 ans dans le domaine de l’analyse critique et comparative des politiques publiques et textes législatifs ; familiarité et expérience dans le domaine du Genre et des VBG ;
- Avoir une expertise dans l’évaluation et la production des rapports de recherche orientés vers la mise en œuvre de recommandations et programmation des interventions de développement ;
- Une expérience de travail avec les Nations Unies et connaissance de la région seront un atout ;
- Avoir une excellente capacité de facilitation, plaidoyer, négociation, communication, organisation, travail en équipe ;
- Avoir une maîtrise du rançais, l’anglais est un atout.
Durée de la consultation :
- Durée : 3 mois, soit environ 60 jours ouvrables ;
- Dates : les 60 jours peuvent être étalés entre août et novembre 2020.
Supervision et conditions de travail :
- Le/la Consultant/e travaillera sous la supervision du chef de section protection de l’enfant en étroitement collaboration avec le Comité interministériel de suivi mis en place par le Ministère de la justice. Le/la consultante travaillera avec un/e Consultant/e national/e qui sera recruté/e ;
- Le/La consultant/e devra utiliser son propre équipement informatique et téléphonique. Un espace de bureau sera mis à sa disposition, ainsi que l’accès à Internet. Un véhicule sera mis à disposition pour les déplacements officiels dans le pays.
Lieu d’affectation :
Niamey, Niger, avec quelques voyages dans les régions.
Voyage et frais de séjour :
- Un montant forfaitaire couvrant le coût d’un billet aller-retour en classe économique et les frais de séjour sur place sera fourni aux consultants résident hors du Niger ;
- Cette disposition ne s’applique pas aux candidats résidents au Niger.
Dossier de candidature :
- Le dossier de candidature comprend une lettre de motivation, un CV à jour, une copie du diplôme le plus élevé ;
- Les candidats doivent indiquer dans leur lettre de motivation, leur aptitude et disponibilité à réaliser les termes de référence.
NB : UNICEF est engagé à promouvoir la diversité et l’inclusion au sein de son personnel, et encourage fortement les candidatures féminines et masculines de toutes origines nationales, ethniques et religieuses, y compris les personnes vivant avec un handicap, de postuler.
UNICEF applique la politique de tolérance zéro à l’égard de l’abus et de l’exploitation sexuels, ainsi que de tout autre type de harcèlement, y compris le harcèlement sexuel et la discrimination. Tout candidat considéré pour un recrutement fera l’objet d’une vérification rigoureuse des références et des antécédents.
Seuls(es) les candidats(es) présélectionnés(es) seront contactés.